CARITAS PATRIAE : Loyalisme politique et foi chrétienne . Thèse du père Frédéric Adroma

Voici le texte de la conférence donnée par le père  Frédéric Adroma

le 15 mai 2018, en la Maison Notre-Dame, 16 rue de Strasbourg

TITRE DE LA THÈSE :

« CARITAS PATRIAE : Loyalisme politique et foi chrétienne.

La correspondance entre Nectarius de Calama et Augustin d’Hippone.

Epistulae 90-91 ; 103-104 (août 408 – mars 409 ap. J.-C.) ».

  • Contexte et occasion de la correspondance :

Dans le cadre du processus de la christianisation de l’Empire romain,

la Constitution Sirmondienne 12 (datée du 15 novembre 407) de l’Empereur romain et chrétien Honorius,

a représenté une sorte d’apex (pointe) dans la répression officielle du paganisme.

La publication de cette loi en juin 408 à Calama (actuelle Guelma, ville du sud-ouest de l’Algérie) provoqua de violents et meurtriers affrontements entre païens et chrétiens.

Les païens de cette cité dont Possidius — disciple et biographe d’Augustin — était l’évêque, s’insurgeaient en effet contre cette loi qui niait désormais au paganisme une tradition multiséculaire qui en avait fait une religion du salut et de la prospérité de l’Empire.

Nectarius, un notable retraité et intellectuel païen de cette cité écrivit alors à Augustin

pour que celui-ci intercédât auprès des autorités impériales afin d’obtenir l’atténuation de peines qu’encouraient ses concitoyens, coupables de ces incidents.

Dans sa Ière lettre à Augustin, il usait de l’expression

caritas patriae  (amour de la patrie)

qu’il tirait des « discours politiques » de Cicéron, à savoir les Philippiques, VIII, 6, 18.

Il justifiait sa démarche par son patriotisme municipal qui trouvait essentiellement ses références chez Cicéron, mais aussi chez Virgile, les philosophes stoïciens, épicuriens et néoplatoniciens. Il montrait également à Augustin que le paganisme était plus apte que le christianisme à exprimer le lien traditionnel entre religion et amour de la patrie.

Enfin, il reconnaissait à la fois la doctrine ou la pratique chrétienne de la charité, et le rôle socio-politique et religieux du christianisme. Pour répondre à son interlocuteur, l’évêque d’Hippone qui entra volontiers dans ce débat à travers sa double correspondance (Ep. 91 et 104), se référa lui aussi à Cicéron, à d’autres auteurs classiques ou courants de pensées philosophiques, ainsi qu’à quelques passages bibliques. Cette démarche lui permit d’articuler les exigences morales de sa foi et l’idéologie patriotique romaine, et de mettre aussi en évidence le loyalisme politique des chrétiens.

  • Pourquoi avoir choisi d’aborder une telle problématique aujourd’hui ? Autrement dit, quel sens y a-t-il à se tourner, en 2017, vers un passé si lointain, alors que nos sociétés, africaines ou européennes, sont confrontées à de graves problèmes qui semblent réclamer des solutions urgentes ?

Bien que le sujet de cette thèse m’ait avant tout plongé au cœur des problématiques de l’Antiquité tardive, j’ai — au fil de mes recherches — constaté avec une acuité toujours plus grande,

qu’il existait, chez les auteurs de l’Antiquité, quelque chose de vraiment singulier, d’unique,

qui résiste à la fugacité du temps et qui continue à vivre à travers nous. En effet, malgré des différences évidentes, les analogies ne manquent pas entre notre époque et la leur, en particulier quant au nécessaire et délicat discernement des valeurs spirituelles et culturelles.

Et cette actualité pérenne (entre cette époque-là et la nôtre), j’en veux pour preuve la question de la caritas patriae. Elle ne cesse de se poser de manière toujours nouvelle, à la conscience de nos contemporains comme dans l’Église. Dans la correspondance entre Nectarius et Augustin, elle prend la forme suivante :

« Comment le christianisme, tenu longtemps pour facteur d’antipatriotisme par les païens est devenu ‘amour de l’ordre romain’, c’est-à-dire promoteur de loyalisme politique » ?

Au départ, cette problématique croisait mes préoccupations personnelles et pastorales, liées aux aléas des engagements de ma propre Église africaine — en l’occurrence celle du Congo (RD) — en matière sociale, civique et politique, dans un contexte pleinement contemporain. Mais la « tentation », s’il se peut dire, d’une comparaison immédiate entre la situation tardo-antique du loyalisme politique et la situation contemporaine en contexte congolais, s’est éloignée, lorsque j’ai pris la mesure de la consistance propre et suffisante de cette correspondance qui possède en elle-même toute sa richesse. En effet, à travers l’usage de l’expression caritas patriae, elle réassume à la fois l’héritage de l’idéologie patriotique gréco-romaine — qu’il soit historique, rhétorique, philosophique, politique, juridique, moral ou religieux — et l’idéal patriotique chrétien. C’est d’ailleurs, et principalement pour cette raison, que le sujet de cette thèse s’est vu également domicilié à l’Université Paris IV – Sorbonne.

  • Démarche et architecture de la partie positive de la thèse :

La matière de cette thèse, on le voit, cristallise dans caritas patriae, une expression singulièrement « provoquante » qui non seulement tire sa légitimité autant que ses lettres de noblesse chez Cicéron, mais figure aussi dans les pièces du corpus considéré dans notre recherche. À l’heure où Augustin échange avec son correspondant Nectarius, cette expression réalise une sorte d’oxymore entre deux notions hétérogènes : entre la cité terrestre et l’autre amour – celui qui, on le sait, a fait une autre Cité. Dans cette iunctura verbale (caritaspatria), ce sont en somme le christianisme et Rome, la culture classique gréco-romaine et la culture chrétienne qui se rencontrent.

J’ai étudié le sujet de cette thèse et mené le procès de ma recherche en deux volumes.

1-Le premier (115 pages) a procuré le texte latin de la correspondance entre Augustin et Nectarius, ainsi qu’une nouvelle traduction française que j’en ai proposée. En effet, la dernière traduction en français de ces Lettres 90-91 ; 103-104 remonte au XIXe siècle.

J’ai joint à ce volume, en annexes, le texte latin intégral de ces Lettres, un index biblique, un index des auteurs anciens, un index des noms, un index des mots, et enfin quelques cartes géographiques, tous documents fort utiles, qui permettent d’ancrer dans le temps et l’espace ma recherche.

2-Dans le deuxième volume (305 pages), développé en deux parties, j’ai livré un commentaire suivi des différents enjeux (philologique ou lexicographique, historique, juridique, anthropologique, philosophique et théologique) de cette correspondance.

  • Résultats obtenus

Dans l’ensemble du corpus augustinien, cette correspondance est originale car elle constitue l’unique exemple d’un vrai dialogue au sujet de la caritas patriae entre deux interlocuteurs (un païen et un chrétien) faisant tous deux référence à une culture littéraire commune.

Les enjeux de cette histoire culturelle et religieuse sont notamment :

  • le rôle de l’évêque dans la cité, la transition d’un monde à l’autre, d’un pouvoir à un autre,
  • l’exemplarité morale exigée et attendue des divers protagonistes (intellectuels, chefs d’État ou hommes politiques, parents, évêques…),
  • le souci de l’avenir, de la formation, de l’éducation de la jeunesse en matière de caritas patriae.

Par ailleurs, cette correspondance manifeste que le texte du De republica de Cicéron, notamment le Songe de Scipion — matière à une longue tradition interprétative à la fois philosophique et chrétienne — est toujours vivant au début du Ve siècle, et qu’il permet à Augustin et à Nectarius de comprendre et d’articuler le lien qu’ils entendent chacun établir entre amour de la patrie et leur religion respective ; et à Augustin, en particulier, de dire des choses remarquables sur la patrie et la voie.

Par exemple, en ce passage de son Ep. 104, 10 :

« Tu mérites cette céleste patrie…en témoignant un vrai et saint amour à cette patrie qui t’a engendré selon la chair…en cherchant à obtenir pour tes concitoyens la grâce d’une cité céleste ».

Ainsi, Augustin fait de « l’amour » dans sa correspondance à Nectarius, la clé de voûte de sa nouvelle définition de la respublica, ce qui annonce déjà la problématique de sa grande œuvre, la Cité de Dieu (voir, par exemple, Ciu. Dei, XIX, 24).

En effet, la cité céleste d’Augustin n’est pas la simple projection de la cité terrestre, ni la simple récompense promise à l’amour de la petite patrie municipale, comme le pensait Nectarius : dans la ligne scripturaire de l’Épître aux Hébreux, elle s’avère foncièrement étrangère, transcendante, transversale à l’histoire.

En un mot, elle est d’un autre ordre.

Si bienveillant que se montre Augustin (lequel se révèle être, dans la Cité de Dieu, un remarquable « archiviste » de la religion traditionnelle de Rome), il ne peut voir désormais Nectarius que de loin, que de haut.

Autrement dit, au-delà de la communion culturelle qui existe entre les deux hommes, se découvre bel et bien une rupture culturelle.

Les christiana tempora (« les temps chrétiens ») sont décidément des temps nouveaux pour Augustin.

William E. Connoly[1] n’avait sans doute pas tort de soupçonner Augustin, dans cette correspondance, de mener en quelque sorte une « politique de conversion » à l’égard de son interlocuteur païen, Nectarius.

   Père Frédéric ADROMA

 

CARITAS PATRIAE-Loyalisme politique et foi chrétienne -Frédéric ADROMA-Mai 2018

 

 

[1] Cf. W.-E. CONNOLLY, The Augustinian Imperative : The Politics of Morality, California, Newbury, 1993, p. 65-66 ; 76-77 ; 85-86 et 139-140. Voir aussi A. MANDOUZE, Saint Augustin. L’aventure de la raison et de la grâce, Paris, Études Augustiniennes, 1968, p. 570-571, qui pense par exemple que transformer le monde pour en faire l’Église, tel est l’essentiel d’un effort que révèle peu à peu la succession des lettres d’Augustin.

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