Homélie du Pasteur Jean Dietz du Temple protestant de Vincennes à la paroisse Notre Dame le dimanche 30 janvier 2022

Chers Frères et Sœurs, chers Amis,

  1. Jérémie est un prophète qui observa et commenta les règnes des derniers descendants de David, Rois de Juda à Jérusalem. Ainsi commence le livre de Jérémie : « 1 Paroles de Jérémie, fils de Hilqiyahou, l’un des prêtres résidant à Anatoth, dans le territoire de Benjamin. 2 Où la parole du SEIGNEUR s’adressa à lui, au temps de Josias, fils d’Amôn, roi de Juda, la treizième année de son règne. » Dans ces deux versets, quantité d’informations précieuses. Nous n’en commenterons qu’une, qui tient en peu de mots : « au temps de Josias ».
    Josias est sans doute, dans le second livre des Rois, celui dont les chroniqueurs religieux ont gardé le souvenir le plus fourni. Il faut dire que, sous son règne, eut lieu une certaine réforme religieuse. Le Temple était resté à l’abandon, et la Loi était en déshérence. Josias eut l’idée de restaurer le Temple. Or, pendant qu’on restaurait le Temple, il advint qu’un certain rouleau y fut découvert. Un prêtre vint dire au Roi : « J’ai trouvé le rouleau de la Loi dans la maison du Seigneur » (2 Rois 22:8).
    Cette phrase est à elle seule un programme politique et religieux, un programme centralisateur, et unificateur. Il y eut donc unification : destruction de tous les anciens poteaux cananéens, destruction de tous les sanctuaires d’inspiration étrangère, liquidation des lieux sacrés de l’ancienne religion de Iahvé, destruction de ces hauts lieux où l’on rendait un culte, où l’on rendait justice et où l’on festoyait rituellement, destruction des lieux aussi où les textes sacrés étaient conservés, et mis à jour… On liquida par la même occasion les familles de sacrificateurs, de prêtres et de juges qui exerçaient sur ces lieux depuis des temps immémoriaux. « (Josias) sacrifia sur les autels tous les prêtres des hauts lieux… » Afin – nous l’avons dit déjà – qu’il ne subsiste que Jérusalem, son Temple et son culte.
    Ainsi l’unité fut-elle atteinte. Prix de cette unité : des centaines de morts.2. Ça n’est pas la seule fois, dans l’histoire biblique, que l’unité fut atteinte par la voie des armes.
    Lorsque Moïse revint du Mont Sinaï avec les tables que Dieu avait gravées, il découvrit que le peuple et Aaron avaient tourné casaque et choisi de se vouer à une statue taurine. L’histoire du veau d’or est connue, mais la fin de cette histoire est rarement contée. Sur ordre de Moïse, il y eut une reprise en main du peuple, une unification. Des membres de la tribu de Lévi, épée en main, radicalisés, traversèrent le camp et massacrèrent sans distinction. Unité de terreur, et prix de l’unité selon Moïse et après le veau d’or : 3.000 morts (Exode 32:28).

    3. Nous ne commenterons pas l’unité selon Esdras et Néhémie, ni l’unité selon les extrémistes du Lévitique, ni l’unité selon Pierre dans le temps qui suivit la première Pentecôte, ni l’unité dont rêvait Paul l’apôtre des gentils, ni l’unité qu’envisageaient Jacques et Jean, disciples de Jésus, prêts à incendier un village parce qu’on leur avait refusé l’hospitalité.

    Ce qui nous intéresse est la notion de prix de l’unité, et sur ce point les deux Testaments nous donnent à réfléchir sérieusement. Le prix de l’unité, c’est ce qui est exigé pour former l’unité, ou pour la maintenir, et ce sur quoi l’on ne transige jamais. C’est, lorsqu’existe une frontière, ce que doivent apporter ceux qui veulent entrer, et aussi ceux qui veulent rester. C’est ce qu’ils doivent payer. Il peut s’agir d’argent et de biens matériels. Il peut s’agir d’une adhésion inconditionnelle à telle confession de foi, ou l’adhésion à certaines convictions. Toujours, celui qui veut entrer doit payer. Toujours aussi celui qui veut rester doit payer. Payer et se conformer, se conformer ou disparaître. C’est ce que nous appelons le prix de l’unité.

    4. Dans l’évangile de Luc, là où nous avons lu, Jésus se rend à Nazareth, et il y prêche… Avant de prêcher à Nazareth, il avait prêché à Capharnaüm, et il y avait accompli semble-t-il d’assez nombreux miracles. Lorsqu’à Nazareth il proclame « Aujourd’hui, cette écriture est entièrement accomplie pour vous qui l’entendez », il parle de lui-même, de son ministère messianique, paroles et actes, il annonce la proximité de Dieu et du Règne de Dieu. Et, vous l’aurez remarqué dès la lecture de l’évangile, il n’exige rien de personne.
    Il n’en est pas de même de ses auditeurs à Nazareth, qui exigent de lui au moins autant que ce qui s’est passé ailleurs, de fait, à Capharnaüm. « Si tu es Fils de Dieu, fais-en ici encore plus qu’ailleurs… » Ils exigent de Jésus plus, et plus encore, sous peine de mort : prix de l’unité. Devant autant d’exigence et autant de brutalité, devant autant de rage destructrice, devant ce qu’on allait lui faire payer à cause de la vérité et de la singularité de son message, ce que nous avons appelé le prix de l’unité, Jésus, se faufilant entre eux, « partit sur son propre chemin. »

    5. Que Jésus parte sur son propre chemin ne signifie pas seulement qu’il quitta Nazareth, le lieu où il avait été éduqué, pour ne plus jamais y revenir. Cela signifie qu’il renonça à l’éducation qu’il y avait reçue, qu’il renonça à ses avantages d’artisan notable. Cela signifie qu’il résista une fois encore à la tentation : il renonça à tout qui lui aurait fait mériter quelque chose.
    Jésus poursuivit son propre chemin, ce chemin sur lequel il donna, sans condition. Il donna sa parole, il donna son enseignement, il donna sa puissance en nourrissant des foules, en guérissant de pauvres gens, et en sauvant ses disciples du naufrage, naufrage sur le lac, et naufrage spirituel… Il ne fit que donner jusqu’au moment où il donna son propre corps, son propre sang, et sa propre vie. L’engagement de Jésus fut sans limite et sans reste. Ainsi là où tous exigeaient le prix de l’unité, Jésus, lui, donna le prix de la grâce.

    6. Les humains que nous sommes sont-ils capables de tels engagements ? Lorsque les protestants que nous sommes entendent « prix de la grâce », ils pensent au pasteur Dietrich Bonhoeffer (1906-1945), à sa participation à l’opposition allemande au troisième Reich, aux dangereux engagements qu’il prit et qui lui coûtèrent la vie.
    Le prix de la grâce, c’est ce que chacun est appelé à donner en libre réponse à ce qu’il a reçu par grâce. Chacun est appelé à donner, pour le service du prochain, de l’Église et de Dieu. Le martyre n’est pas exigé de tous, car tous ne sont pas nés dans un moment dramatique de l’histoire et tous n’ont pas la force des géants. Mais nul n’est trop pauvre pour n’avoir rien à donner.

    7. Les deux Testaments, avons-nous dit tout à l’heure, donnent à réfléchir. Ils donnent aussi à espérer.
    Ainsi cette nouvelle alliance que Dieu promet par Jérémie : « Je déposerai ma Loi (Torah) au fond d’eux-mêmes, les inscrivant dans leur être; je deviendrai Dieu pour eux, et eux, ils deviendront un peuple pour moi. 34 Ils ne prétendront plus à s’instruire entre compagnons, entre frères, répétant à l’envie : «Apprenez de moi à connaître le Seigneur», car ils me connaîtront tous, petits et grands. » Et s’il est vrai que la connaissance de l’homme et la connaissance de Dieu sont une seule et même chose (Calvin), alors cette nouvelle alliance sera semblable à celle de l’amour dont Paul, en son temps, aura eu l’intuition et dont il aura admirablement parlé.

    Puisse cette nouvelle alliance être en vérité toujours celle qui nous appelle à l’unité.

    Amen

    Pasteur Jean Dietz du Temple protestant de Vincennes