Homélie Trinité – C Dimanche 12 juin 2022

Jean 16, 12-15

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. En effet, ce qu’il dira ne viendra pas de lui-même : mais ce qu’il aura entendu, il le dira ; et ce qui va venir, il vous le fera connaître. Lui me glorifiera, car il recevra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. Tout ce que possède le Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : L’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. »

 

Chers Frères et Sœurs,

S’il fallait nous figurer la Trinité, quelle image plus parlante nous viendrait-elle à l’esprit, sinon la célèbre icône d’Andrei Roublev, représentant trois personnages, peut-être des anges, assis autour d’une table ouverte sur ceux qui contemplent la scène, à l’ombre d’un chêne, près d’un rocher montagneux et d’un temple vide ? Les ailes dont l’artiste a pourvu ces trois personnages leur donne l’apparence des anges. Observons encore que ces personnes présentent, toutes les trois, un même visage. Aussi les spécialistes de l’art religieux ont-ils longuement débattu, et ils le font encore sans avoir tranché, pour reconnaître lequel de ces anges est le Père, le Fils et l’Esprit Saint.

Cette difficulté d’identifier les trois personnes de la Trinité ne manifeste-t-elle pas aussi celle qu’éprouvent les croyants que nous sommes à comprendre ce mystère dont, pourtant, nous vivons avec l’Église : un seul Seigneur un seul Dieu, tout ensemble en trois personnes ? Déjà avant sa mort et sa résurrection, et avant la Pentecôte, Jésus reconnaissait la profondeur du mystère offert aux disciples, ceux qui l’entourent comme ceux qui viendraient à la suite : J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter, leur disait-il.

Cette atmosphère empreinte de mystère ne nous renvoie-t-elle pas au mystère de notre propre expérience de foi avec le Seigneur ? Ce que nous savons de Dieu le Père nous a été révélé par le Fils. Ce que nous connaissons de Dieu en tant qu’il est Fils, nous l’avons vu et nous l’avons entendu des paroles de Jésus, un homme parmi les hommes, mais un homme qui vient de Dieu, qui est Dieu, pour amener les hommes à Dieu. Un homme tellement homme qu’il en est mort comme le plus misérable d’entre eux, sur une croix. Ressuscitant et montant au ciel, comme dit le credo, il ne nous a pas laissé seuls et, en envoyant l’Esprit Saint, il demeure présent au cœur de chacun de ceux qui croient en lui, une onction, une saveur délicatement déposée au cœur de chacun, qui nous permet de goûter aux dons de Dieu et d’en vivre.

Nous voici donc désirés, attendus et invités à nous avancer jusqu’au quatrième côté de la table resté ouvert pour nous : il s’ouvre à nous-mêmes et à l’humanité entière, emmenée par l’Église, corps de Jésus vivant de l’Esprit, qui la guide vers le Père.

En nous invitant à la table trinitaire, le Seigneur fait de nous des participants à la vie divine. Une invitation que nous recevons et à laquelle nous avons peine à croire, tant elle nous dépasse et tant est grand notre saisissement d’être appelés à une telle communion.

Comme l’amour Un en trois personnes nous introduit jusqu’aux abîmes sans fond d’un ineffable mystère, ainsi notre vie entière ne nous suffira-t-elle pas pour épuiser la compréhension de cet insondable expérience amoureuse à laquelle pourtant le Seigneur nous convie.

Un tel mystère nous enseigne qu’être disciple du Seigneur consiste, avant tout, à accueillir en nous la communion d’amour dont vivent le Père, le Fils et l’Esprit Saint, à y participer nous-mêmes de tout notre être et de tout notre cœur, expérimentant ainsi que la foi n’est pas d’abord une question de connaissance ni de morale, mais bien plutôt la réponse à une bouleversante invitation à vivre selon cet amour.

Puissions-nous, chacun de nous, Frères et Sœurs, répondre sans réserve ni retour sur soi à une telle invitation, dès à présent et chaque fois que nous traçons sur notre propre corps un signe : Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, et tandis que nous entendrons tout à l’heure : Heureux les invités au repas des Noces de l’Agneau.

Sans hésiter, répondons alors par un Oui, me voici, en laissant retentir notre Amen.

Père Marc D.