Homélie Vingt-neuvième dimanche du temps ordinaire – C 16 octobre 2022

Luc 18, 1-8

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples une parabole sur la nécessité pour eux de toujours prier sans se décourager : « Il y avait dans une ville un juge qui ne craignait pas Dieu et ne respectait pas les hommes. Dans cette même ville, il y avait une veuve qui venait lui demander : ‘Rends-moi justice contre mon adversaire.’ Longtemps il refusa ; puis il se dit : ‘Même si je ne crains pas Dieu et ne respecte personne, comme cette veuve commence à m’ennuyer, je vais lui rendre justice pour qu’elle ne vienne plus sans cesse m’assommer.’ » Le Seigneur ajouta : « Écoutez bien ce que dit ce juge dépourvu de justice ! Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? Les fait-il attendre ? Je vous le déclare : bien vite, il leur fera justice. Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »


Chers Frères et Sœurs,

Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? demande le Seigneur à la fin de l’Évangile, comme une brûlure, comme s’il nous adressait lui-même une prière insistante.

Cette question du Seigneur trouve un écho dans le titre d’un livre paru en 1977, qui connut un certain succès et dont les plus anciens se souviennent. Il avait pour titre : Le christianisme va-t-il mourir ? L’auteur, l’historien Jean Delumeau, posait cette question quelque peu provocatrice, en analysant la situation d’une Église mettant en œuvre, non sans tiraillements, le concile Vatican II, dans le contexte d’une société traversée par la contestation de mai 68 et ce qui s’en est suivi, exprimant les attentes d’une jeunesse en quête de nouveaux repères.
Cinquante ans après, les conditions ont changé, pour la société comme pour l’Église. Mais la question semble avoir encore gagné en pertinence : Le christianisme va-t-il mourir ? Avec en arrière-plan, plus fondamentale, la question de Jésus : Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?

Écoutons cette question avec attention. Une question, mais qui est traversée par une affirmation : Il viendra. Quand le Fils de l’homme viendra.
Côté question, il y a : Trouvera-t-il la foi sur la terre ? Côté certitude, il est dit : Il viendra.
Qu’à la venue du Seigneur il y ait ou non la foi sur la terre, si nous croyons en sa parole, nous croyons aussi et nous savons qu’il viendra. La question devient alors pour chacun de nous : Où serons-nous, où serais-je ce jour-là ?
Allons plus loin : Et si ce jour-là, jour de la venue du Seigneur, c’était aujourd’hui ? Quelle foi le Seigneur trouverait-il aujourd’hui en chacun de nous ? Quelle place lui laissons-nous dans notre vie, dans ma vie ? Le strapontin de mon bon vouloir ? ou l’invitation que je lui adresse à venir habiter en moi ? Car le Seigneur n’a guère besoin de revenir. Avant de s’élever au ciel, il dit à ses disciples : Moi, je suis avec vous jusqu’à la fin du monde.
Malgré les épreuves et les crises, Dieu sait qu’elles sont profondes de nos jours dans la société et dans l’Église, la plus récente actualité nous le dit encore, le Seigneur me confie sa propre vie. Que vais-je faire de cette vie qu’il m’offre, de sa propre vie qu’il me confie ? Comment les autres, ceux que la vie me donne de croiser et de rencontrer, comment reçoivent-ils de moi cette vie que le Seigneur me confie ? Cette semence de la vie avec Lui, la vie déjà éternelle ?
Une vraie question tandis que commence bientôt la semaine des missions.
Pour y répondre, remontons l’Évangile. Il dit la nécessité de toujours prier sans se décourager. Cela ne veut pas dire rester toute la journée agenouillé dans une église ou dans sa chambre. Toujours prier sans se décourager signifie plutôt laisser le Seigneur habiter les recoins de notre demeure, les plis les plus secrets de notre âme, et mettre en lui tout notre être.
Accepter de vivre cet amour en le recevant inlassablement du Seigneur.

Si nous perdons de vue ce regard qui nous aime, tout alors devient terne et se décolore. Que va-t-il arriver au Seigneur si nous le perdons de vue ? Si nous l’abandonnons et le laissons mourir en nous ? Il compte sur nous pour s’incarner aujourd’hui dans le monde. Il veut habiter nos décisions. Comment abandonnerions-nous cette fidélité nécessaire à son incarnation, à sa venue en chacun de nous aujourd’hui ?
Pour rester fidèle et être libéré de ce qui nous entrave, en premier lieu le péché, gardons en nous la foi, telle la graine de moutarde. La présence du Seigneur dans notre vie la plus quotidienne ne s’éprouvera pas sans nous, sans cet élan d’amour envers Lui, manifestant le consentement de notre cœur, de notre âme, de notre force et de notre esprit.
Si j’organise ma vie sans lui, ou loin de lui, lui réservant un strapontin, si je néglige ce don nuptial de sa présence en moi, alors je resterai l’esclave de mes conditionnements, physiques, psychiques et sociaux, en une mort annoncée.

Frères et Sœurs, si nous le voulons, si nous croyons et que nous espérons que le Seigneur trouvera la foi sur la terre lorsqu’il reviendra, ne nous privons pas alors, ni ceux qui nous sont confiés, de cette révélation, la présence aimante qui nous touche et transforme notre destinée.

Amen

Père Marc D.