Homélie Cinquième dimanche du temps ordinaire – A – Dimanche 5 février 202

Matthieu 5, 13-16

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »


Chers Frères et Sœurs,

Juste avant le passage que la liturgie nous fait méditer ce jour, dans l’Évangile des béatitudes, le Seigneur brosse le signalement d’un homme, un disciple selon son cœur. Un tel homme est pauvre de cœur, il pleure, il est doux, il a faim et soif de la justice, il est miséricordieux, il a le cœur pur, il œuvre pour la paix, il est persécuté pour la justice, il peut même être insulté ou calomnié à cause de Jésus (Mt 5, 1-11). Un portrait qui ressemble à Jésus lui-même, comme au disciple qu’il espère. Pour Jésus, un tel homme est heureux du vrai bonheur, joyeux d’une joie qui ne passera pas.
Après une telle description, Jésus indique aussitôt ce qu’est cet homme pour notre terre, ce qu’il est pour notre monde : il en est le sel, il en est la lumière. Le sel et la lumière partagent plusieurs vertus. S’ils viennent à manquer, l’un ou l’autre, les repas deviennent fades, et les jours ténébreux. Leur privation se fait âprement ressentir. Pourtant, quand ils sont là et qu’ils remplissent leur office, alors ils restent discrets, et même souvent invisibles : on ne voit guère le sel dans nos assiettes, mais sans lui le plat est insipide. Pas plus que nous ne voyons la lumière comme telle, mais c’est elle qui nous permet d’admirer ce que nous voyons.
Autre attribut commun au sel et à la lumière : leur excès rend la vie insupportable. Une soupe trop salée devient immangeable. Une lampe qui ne s’éteindrait jamais, comme dans certaines prisons, cela peut rendre fou.

Que nous enseigne donc le Seigneur quand il déclare : Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde ?
Une terre sans quiconque vivant de la foi resterait une terre fade, sans saveur, bonne à être jetée et piétinée. Ceux qui vivent de la foi au Christ, les saints, les chrétiens, ont pour mission plus que quiconque de rendre la terre plus goûteuse, et même délicieuse, d’en faire pour les autres un endroit désiré où il fait bon vivre. Un lieu à savourer qui suscite le bonheur et la joie de ceux qui y habitent. Pour cela, les croyants sont sur la terre à la façon dont le sel est dans le plat : invisibles, souvent peu nombreux, et pourtant suaves d’un bonheur qui se répand. Présents et discrets, jamais ils ne s’imposent ni n’endoctrinent ; ils proposent seulement ce qu’ils sont et ce qu’ils croient, comme à table on propose du sel à celui qui souhaiterait rehausser le goût du plat.
Ainsi en va-t-il de la lumière. Comme elle, les chrétiens ont pour vocation de révéler le monde en éclairant sa beauté, et aussi ses blessures. Vous êtes la lumière du monde, dit Jésus à ses disciples. La lampe que la foi alimente illumine la maison et le monde jusqu’en ses obscurités. La maison ainsi éclairée devient comme la ville sur une montagne. On escalade pour y accéder, comme au temps de Jésus les juifs observant montaient à Jérusalem, vers le lieu de leur joie.
A leur façon, les chrétiens éclairent le monde, notre monde. Prenons garde pourtant de ne pas chercher à l’éblouir, car nous risquerions de l’aveugler et de nous aveugler : la vraie lumière éclaire tout homme en venant dans le monde (Jn 1, 9) ; elle ne l’aveugle pas. La vraie lumière, c’est Jésus, le Christ : Je suis la lumière du monde, dit-il en saint Jean (8, 12). Il nous fait participer de sa lumière pour que nous soyons à notre tour lumière pour nos frères, ce que Jésus est lui-même pour ceux qu’il vient sauver. Jésus dira encore : Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu (Jn 11, 40). Jamais il ne contraint à croire.
Être le sel de la terre et la lumière du monde, chers Frères et Sœurs, voilà la mission que le Seigneur confie à chacun de nous, ses disciples. Nous avons à l’accomplir auprès de tout homme et de toute femme : là où nous vivons, dans nos familles, dans nos bureaux, dans nos immeubles, les hôpitaux et les prisons. Accueillons cet appel à l’enfouissement comme le sel est enfoui dans le plat, révélant leur vraie saveur aux habitants de la terre. Soyons la lumière qui donne à voir la beauté du monde, plus que cette lumière elle-même ne se laisse voir.

Devenons pour ceux que le Seigneur met sur notre route ce sel rendant la vie plus goûteuse, et cette lumière qui rend le monde plus habitable.
Devenons ces saints que désire le Seigneur. Alors, nous ne priverons pas nos frères et nos sœurs ni de la paix ni de la joie auxquelles ils aspirent du tréfonds de leur cœur. Comme le disait un ancien prêtre de notre diocèse : Notre sainteté, c’est la joie des autres.
Devenons ce saint-là.

Amen

Père Marc D.