Homélie Septième dimanche du temps ordinaire – A Dimanche 19 février 2023

Matthieu 5, 33-48

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil, et dent pour dent. Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ;mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. Et si quelqu’un veut te poursuivre en justice et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos ! Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. En effet, si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. »


Chers Frères et Sœurs,

Pas un iota, pas un trait de la Loi ne disparaîtra avant que tout se réalise, disait l’Évangile dimanche dernier. Si rien de la Loi ne disparaît avec Jésus, celui-ci instaure aujourd’hui des liens entièrement nouveaux entre les hommes, excédant de toute part ce que prônait la Loi. Jésus révèle le ferment de la révolution chrétienne, l’amour jusqu’à l’amour des ennemis. Une révolution pas tout à fait réalisée. Un Évangile qui reste encore à incarner.
Notre difficulté à concrétiser ce à quoi invite Jésus vient de ce qu’il nous appelle à nous abandonner à l’amour de Dieu, l’amour selon Dieu lui-même, toujours offert au cœur qui le désire, qui le demande et qui l’accueille. Nous avons en tête l’idée d’un Dieu qui serait juste, quand Jésus vient nous révéler qu’en amour, Dieu n’est pas équitable : Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes.
L’amour du Seigneur ne se venge pas de nos injustices. Il pardonne, il efface, il oublie comme si de rien n’était. Son amour se donne sans trier ni sélectionner ceux qui en seraient plus ou moins dignes. Il éprouve comme une prédilection, une préférence envers les moins méritants, les ennemis, les pécheurs de tout poil. Oui vraiment, Dieu aime les hommes d’un amour qui n’est pas raisonnable.
Pour notre part, quand nous donnons, nous donnons souvent notre superflu, ce qui ne nous est pas vital. Notre générosité se fait parcimonieuse. Mais quand c’est Dieu qui donne, il donne tout : son propre Fils, lui-même, un Fils qui se donne lui-même, jusqu’à sa propre vie.
L’Évangile aujourd’hui demande à ceux qui veulent suivre Jésus d’avancer dans la vie comme Jésus a lui-même avancé, et comme il continue à le faire. Ainsi, pour lutter contre le mal, Jésus invite ceux qui le suivent à se laisser dépouiller. Le mal en viendra alors à se dissoudre, ne rencontrant plus de résistance contre laquelle il pourrait encore s’enflammer. Pour beaucoup, combattre son ennemi consiste à le massacrer. Pour Jésus, le vrai combat consiste à l’aimer, serait-ce au prix de sa propre vie. Aimer son ennemi, c’est une parole énoncée par Jésus, voulue par lui. Une parole tout à fait claire.
Alors, aimer ses ennemis, est-ce si difficile ? Non, ce n’est pas difficile. Ce n’est pas difficile parce que c’est impossible. C’est impossible à quiconque ne s’abandonne pas tout entier au plan de Dieu. Pour aimer nos ennemis, Jésus nous demande instamment de prier pour eux et de leur faire du bien, de désamorcer le mal par le bien. Y a-t-il moyen plus efficace de réduire à rien nos ennemis, sinon en en faisant nos amis ?
Mais, demandera-t-on, face à un vrai méchant, à la brute épaisse qui nous foudroie d’une violence aveugle, est-il possible d’aimer et de pardonner ? Non, ce n’est pas possible. Pourtant, ce chemin, Jésus l’a emprunté. Ce chemin l’a mené à la croix. Rappelons-nous… à ceux qui ont mis des clous dans son poignet, Jésus n’a pas dit : Je vous pardonne. Peut-être ne pouvait-il pas pardonner à ceux qui le faisaient si atrocement souffrir. Non, Jésus a prié. Prié pour aimer. Il demande : Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font.

Quand nous nous savons incapables d’aimer nos ennemis, regardons Jésus en croix. Comme lui, demandons au Père : Père, pardonne-leur. Bénis-les, car je suis incapable de le faire. En invitant le Seigneur à venir entre nous et nos ennemis, alors nous arrivons mieux à aimer cet ennemi et, qui sait ? à le bénir. Jésus le sait, il y aura toujours quelqu’un qui nous voudra du mal ou qui nous persécutera. Il nous demande à ce moment-là de prier et d’aimer.
Dans les Gethsémani d’aujourd’hui, dans notre monde indifférent et injuste, où on semble assister à l’agonie de l’espérance, les chrétiens ne peuvent plus faire comme ces disciples qui ont pris l’épée avant de s’enfuir. Demandons la grâce de voir les autres, non comme des obstacles ou des complications, mais comme des frères et des sœurs à aimer.

Voilà comment être parfait comme notre Père céleste est parfait. Non pas parce que nous serions d’une moralité irréprochable. Mais plutôt parce que notre parole adressée au Seigneur sera sans réserve, en vivant comme lui la pauvreté et la pureté du cœur, la douceur, la faim et la soif de justice, et la miséricorde, en pleurant et en agissant pour la paix, au risque d’être persécutés, insultés ou calomniés à cause de notre foi.
Alors, oui, nous serons heureux comme Jésus, selon Jésus.

Amen
Père Marc D.