Homélie Septième dimanche du temps pascal – C 29 mai 2022

Jean 17, 20-26

En ce temps-là, les yeux levés au ciel, Jésus priait ainsi : « Père saint, je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi. Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde. Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais moi je t’ai connu, et ceux-ci ont reconnu que tu m’as envoyé. Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi, je sois en eux. »

Chers Frères et Sœurs,

Que tous soient un. Qu’ils soient un en nous. Qu’ils soient un comme nous sommes un. Peut-il y avoir plus grande insistance de la part du Seigneur pour révéler l’absolue primauté de l’unité ? Pourtant, comme le remarquait un ami prêtre, comment serions-nous crédibles pour parler d’unité quand les divisions entre chrétiens et les guerres opposent des pays parfois christianisés depuis des siècles ? En Ukraine, en Russie, les églises orthodoxes sont désormais durablement déchirées par le conflit en cours. Le dialogue œcuménique semble bégayer, parfois même en panne. Jusque dans l’église catholique, apparaissent des tensions entre courants et sensibilités, provoquant parfois jusqu’à l’hostilité.
Tout cela contrevient à l’ultime prière que le Seigneur adresse au Père. Nous nous étonnons parfois que nos prières ne sont pas exaucées. Et nous-mêmes, comment nous y prenons-nous pour exaucer la prière du Seigneur pour l’unité de ses disciples et au-delà, de l’humanité entière ?
Qu’ils soient un, dit le Seigneur. Il ajoute : Qu’ils soient un en nous. L’unité des disciples, des croyants, ne vient pas de la seule volonté, mais d’abord de notre enracinement en Dieu. Comment serions-nous divisés si nous puisions à la même source divine ? La division procède de notre aliénation à des intérêts éloignés du Seigneur, loin de l’Esprit qui relie au Père et au Fils.
Unis au Seigneur, nous sommes tels les rayons d’une roue unis à son moyeu. Plus loin nous sommes du moyeu, plus loin serons-nous des autres rayons. Plus nous nous éloignons du Christ, plus nous nous éloignerons de nos frères. L’unité se vit dans le Seigneur et se reçoit de lui. Ce qui anime cette unité, c’est l’amour, amour du Seigneur et pour lui. Amour du frère et pour nos frères.
Jésus dit au Père : Tu les as aimés comme tu m’as aimé. Comment Jésus a-t-il été aimé du Père ? Jésus le dit : Tu m’as aimé avant la fondation du monde. Ainsi, comme le Père a aimé Jésus avant la fondation du monde, ainsi le Père nous aime-t-il, chacun, chacune, depuis la fondation du monde. Frères et Sœurs, ne nous lassons jamais de nous émerveiller d’une telle Parole. Avant même que nous existions, avant que le monde fût, de toute éternité, nous étions déjà aimés du Père, comme nous le sommes pour toute l’éternité, quoi qu’il en soit de nos manquements, de nos faiblesses et de nos lâchetés.
Que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, ajoute le Seigneur, se faisant auprès de nous le relais de l’amour du Père.

Frères et Sœurs, est-il lieu plus sacré et plus révéré dans nos églises, sinon le tabernacle où repose le corps du Seigneur, présence réelle que nous vénérons quand nous nous en approchons. La parole du Seigneur nous dit aujourd’hui qu’il est un lieu plus sacré encore, où demeure assurément le Seigneur. Ce lieu, c’est le cœur de chacun de nos frères et de nos sœurs, en qui demeurent l’amour du Père et le corps du Christ.
C’est ainsi que Jésus a prié son Père. Il dit : Que moi aussi, je sois en eux. Chaque disciple, chacun de nous, disciples de ce temps, nous devenons vivants tabernacles du corps du Christ. Nous devenons corps du Christ. Chaque fois que notre regard se pose sur un frère, sur une sœur, voyons en lui, en elle, le tabernacle, l’habitation du Seigneur. Le Seigneur lui-même. Ceux pour qui Jésus a dit au Père : Que moi aussi, je sois en eux.

Considérons ainsi nos frères, nous les aimerons comme nous aimons le Seigneur et comme il nous aime.
Les aimant ainsi, nous exaucerons sa prière : Qu’ils soient un.
Formidable nouvelle : chaque instant, nous avons à veiller sur la vie du Seigneur en nous, à la protéger en nous, en nos frères, dans les autres, car le Seigneur ne s’affirme pas autrement qu’à travers nous.
Nous ne pouvons pas vivre sans lui, car il est la vie de notre vie, comme lui ne peut pas vivre en nous sans nous. Sans nous, rien ne se passe, bien qu’il soit toujours là. Nous sommes nécessaires à Dieu, parce que son amour ne peut s’enraciner que dans l’amour, et qu’il meurt quand il ne rencontre plus aucun amour chez ceux qu’il vient visiter. Ne le laissons pas mourir en nous.

Veillons sur la vie de Dieu en nous, pour qu’il imprime son visage en nos cœurs, un visage après lequel toute la terre soupire.
Laissons-le ouvrir nos cœurs, et que nous devenions ce qu’il est.

Amen

Père Marc D.