Toussaint Dimanche 1er novembre 2023

Matthieu 5, 1-12a
En ce temps-là, voyant les foules, Jésus gravit la montagne.<
Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui.
Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait.
Il disait : « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! »


Chers Frères et Sœurs,

N’est-il pas déroutant d’entendre Jésus nous parler aujourd’hui du bonheur, tandis que nous ployons sous un flot d’informations inquiétantes : guerres effroyables entre Israël et Gaza, l’Ukraine et la Russie, et d’autres guerres aussi meurtrières dont les media ne parlent pas, changements climatiques aux effets incontrôlables, et autres calamités ? N’est-il pas incongru, dans cette ambiance alarmante, d’entendre Jésus nous inviter avec insistance au bonheur ?
Avec une telle actualité, comment parler encore de bonheur ?
Il n’est pas vain que le jour où l’Église fête tous les saints, elle nous donne aussi à entendre ce qu’est le bonheur, la condition pour y parvenir et ce que l’on peut en attendre.
Mais de quel bonheur s’agit-il ? Tous les hommes recherchent d’être heureux, dit Pascal, jusqu’à ceux qui vont se pendre. Notre nature nous pousse à chercher un bonheur taillé par nous et pour nous, souvent individuel, selon notre désir, nos aspirations et la conception que nous nous en faisons, une tendance encouragée par la société où, pour beaucoup, le Je fais ce que bon me semble et le Je fais ce que je veux semblent érigés en principes de vie.

Il en va bien autrement du bonheur promis par l’Évangile. Il ne s’agit pas tant d’un bonheur dont nous serions le talentueux architecte, mais plutôt d’un chemin offert à quiconque a le cœur assez hospitalier pour l’accueillir, une grâce donnée par le Seigneur lui-même, non pas à un seul, mais à tout un peuple, le peuple des amis de Dieu, immense peuple des saints. Il n’est pas anodin d’entendre les béatitudes le jour de la Toussaint.
Comme dit souvent le pape François, les béatitudes constituent la carte d’identité des disciples de Jésus, des amis du Seigneur, et l’on peut, sans se tromper, remplacer le terme Heureux par celui de Bienheureux, ou de Saint.
Si ce bonheur est une grâce donnée à ceux qui ont le cœur habité du désir de la recevoir, en quoi consiste-t-elle, cette grâce ? L’Évangile le dit avec clarté : le royaume des cieux pour les pauvres de cœur, la consolation de ceux qui pleurent, l’héritage de la terre pour les doux, l’apaisement des affamés et des assoiffés de justice, la miséricorde aux miséricordieux, voir Dieu pour les cœurs purs, Dieu pour père à qui construit la paix, le royaume à ceux que l’on persécute pour la justice, la joie et l’allégresse pour ceux que l’on insulte et que l’on persécute.
Voilà la grâce, la récompense. L’Évangile l’indique au présent de l’indicatif : cette récompense est grande pour tous ceux-là dans le royaume, un royaume dont nous sommes dès à présent, non pas les serviteurs, mais les disciples, les amis, les invités au repas du Seigneur.

Frères et Sœurs, reconnaissons-le humblement, la part d’orgueil qui nous habite nous empêche le plus souvent d’envisager un bonheur que nous n’aurions pas construit nous-mêmes. Pourtant, pour les disciples que nous sommes, le vrai bonheur vient du Seigneur, se reçoit de Lui, surtout de notre capacité à abandonner en Lui notre désir et notre volonté. Cela suppose une profonde humilité.
Rappelons-nous la dernière phrase écrite avant de mourir, par le Curé de campagne de Bernanos dans son journal. Il écrivait: Il est plus facile que l’on croit de se haïr. La grâce est de s’oublier. Mais, si tout orgueil était mort en nous, la grâce des grâces serait de s’aimer humblement soi-même, comme n’importe lequel des membres souffrants de Jésus-Christ.

Alors Frères et Sœurs, en ce jour de Toussaint, implorons le Seigneur.
Demandons lui ardemment cette grâce, grâce des grâces, de laisser mourir en nous tout orgueil pour que, pauvres de cœurs, pleurant, doux, affamés et assoiffés de justice, miséricordieux et le cœur pur, bâtisseurs de paix, diffamés, insultés ou persécutés à cause du Seigneur, nous en recevions dès ici-bas le royaume des cieux, la vie de Jésus, le Christ, la vie qu’il nous promet et que déjà, il nous donne en abondance.

Il ne veut rien d’autre, sinon être tout en nous, heureux et saint.

Amen
Père Marc.