Trente-troisième dimanche du temps ordinaire – A Dimanche 19 novembre 2023

Matthieu 25, 14-3
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples cette parabole : « C’est comme un homme qui partait en voyage : il appela ses serviteurs et leur confia ses biens. À l’un il remit une somme de cinq talents, à un autre deux talents, au troisième un seul talent, à chacun selon ses capacités. Puis il partit. Aussitôt, celui qui avait reçu les cinq talents s’en alla pour les faire valoir et en gagna cinq autres. De même, celui qui avait reçu deux talents en gagna deux autres. Mais celui qui n’en avait reçu qu’un alla creuser la terre et cacha l’argent de son maître. Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint et il leur demanda des comptes. Celui qui avait reçu cinq talents s’approcha, présenta cinq autres talents et dit : ‘Seigneur, tu m’as confié cinq talents ; voilà, j’en ai gagné cinq autres.’ Son maître lui déclara : ‘Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur.’ Celui qui avait reçu deux talents s’approcha aussi et dit : ‘Seigneur, tu m’as confié deux talents ; voilà, j’en ai gagné deux autres.’ Son maître lui déclara : ‘Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur.’ Celui qui avait reçu un seul talent s’approcha aussi et dit : ‘Seigneur, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes là où tu n’as pas semé, tu ramasses là où tu n’as pas répandu le grain. J’ai eu peur, et je suis allé cacher ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t’appartient.’ Son maître lui répliqua : ‘Serviteur mauvais et paresseux, tu savais que je moissonne là où je n’ai pas semé, que je ramasse le grain là où je ne l’ai pas répandu. Alors, il fallait placer mon argent à la banque ; et, à mon retour, je l’aurais retrouvé avec les intérêts. Enlevez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui en a dix. À celui qui a, on donnera encore, et il sera dans l’abondance ; mais celui qui n’a rien se verra enlever même ce qu’il a. Quant à ce serviteur bon à rien, jetez-le dans les ténèbres extérieures ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents !’ »


Chers Frères et Sœurs,
Observons cet homme. Un maître et un seigneur, comme dira plus loin l’Évangile. Il est à la tête d’une grande fortune, d’un montant d’au moins huit talents. Un talent, à l’époque, équivalait à ce qu’un ouvrier gagnait pendant toute une vie. Il a trois serviteurs. Cet homme donc part en voyage, et il leur confie ses biens. Le mot est important : il confie, il leur donne sa confiance ; il pose sur eux un acte de foi ; il croit en eux au point de leur abandonner ses biens.
Mieux encore, l’Évangile précise que ce maître le fait à chacun selon ses capacités. Car il connaît chacun de ses serviteurs en personne, et il sait la juste mesure de ce qu’il peut leur confier : à l’un cinq talents, à un autre deux, et au troisième un. Observons encore qu’en leur confiant ses biens, le maître ne leur demande rien. Il part ensuite pour un long voyage d’où il reviendra longtemps après.
N’ayant d’abord rien demandé aux serviteurs, le maître s’était contenté de leur remettre ses biens. Cependant, chacun des trois n’en a pas fait un même usage. Les deux premiers ont récolté l’équivalent de ce qu’ils avaient reçu. Le troisième, quant à lui, l’aura maintenu en l’état. Que s’est-il passé ? Rien n’est dit à ce sujet, mais pour récolter une telle somme, sans nul doute les premiers auront-ils dû à leur tour se dessaisir de ce que le maître leur avait confié, et le risquer auprès d’autres ayant favorisé un tel rendement. De même que leur maître leur avait confié ses biens, ainsi confièrent-ils eux aussi à d’autres ce qu’ils avaient reçu. Cela a donné du fruit, un fruit qu’ils donneront au maître à son retour.
Écoutons à présent ce que dit le troisième quand revient le maître : Seigneur, je savais que tu es un homme dur, j’ai eu peur. Je suis allé enterrer ton talent. Le voici. Le maître a récupéré son bien, il n’a rien perdu, sauf peut-être les intérêts qu’aurait versés la banque si l’argent avait été placé. Mais là n’est pas la difficulté. Ce qui est désolant aux yeux du maître, c’est que ce serviteur a rompu la chaîne de la confiance. Le maître lui avait confié son bien, et lui n’a eu confiance en personne. Mais emporté par la peur, il est allé enterrer ce bien. Il avait reçu la confiance, mais il s’est rendu à la peur. Pire, le maître s’est entendu dire qu’il était un homme dur ; et cela, il ne l’a pas supporté, comme le Seigneur ne supporte pas qu’on voie en lui un juge implacable et paralysant.
Cette fortune, ces talents, quels sont-ils ? sinon le don sans mesure que confie le Seigneur à chacun de nous, tout ce que nous avons reçu de lui sans pouvoir même l’évaluer, en premier lieu la vie, et bien plus encore, sa grâce et son amour. Que n’as-tu que tu n’aies reçu ? demande Paul. Voilà nos talents, voilà ce que donne la foi qu’éprouve le Seigneur envers chacun de nous, ses enfants. Nous, les croyants, nous lui en sommes d’autant plus redevables qu’à notre tour nous lui adressons, à lui, le Seigneur, notre propre foi et notre reconnaissance.
Celui qui croit ne craint plus. Il ne connaît plus la peur.
On le voit, en nous faisant tous ces dons, le Seigneur n’attend pas que nous soyons simplement en règle vis-à-vis de lui, que nous ayons composté notre billet, ou correctement rempli notre attestation. Aussi, ne nous contentons pas de garder les trésors du passé, car alors nous ne lui serions pas fidèles. S’il nous donne et s’il se donne si généreusement à nous, c’est pour qu’à notre tour, nous donnions et nous nous donnions au frère, notre prochain. Donnons ce que nous avons reçu du Seigneur : la confiance, la foi et l’amour inconditionnel dont il nous aime avant même que nous l’ayons aimé.
N’imitons pas ce serviteur, devenu mauvais serviteur. Certes, il n’a fait de mal à personne. Mais son mal consiste précisément à ne pas avoir fait le bien, avec les talents que le Seigneur lui avait pourtant donnés. Ne mettons pas les dons du Seigneur au coffre-fort. Quittons toute peur, abandonnons-lui notre confiance et notre fidélité. Nous l’entendrons qui nous dira :
Viens, serviteur fidèle, entre dans la joie de ton Seigneur.

Amen
Père Marc.